L’employeur est tenu d’apporter des éléments d’information au CSE sur les conséquences environnementales d’un projet de déménagement… Sinon, attention à la prolongation de la consultation !

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite loi « climat et résilience », a apporté des modifications au Code du travail. Plus exactement, elle a instauré l’obligation, pour toute entreprise d’au moins 50 salariés, de présenter à son Comité Social et Economique (CSE) les conséquences environnementales de tout projet donnant lieu à consultation préalable.

Article L. 2312-8 du Code du travail : « Le comité social et économique a pour mission d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail, à la formation professionnelle et aux techniques de production, notamment au regard des conséquences environnementales de ces décisions […] Le comité est informé et consulté […] notamment sur […] tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail […] Le comité est informé et consulté sur les conséquences environnementales des mesures […] ».

Récemment, nous avons pu observer les premières conséquences de cette modification législative au travers d’une décision rendue par le Tribunal Judiciaire de Nantes (TJ Nantes, 22/12/2022, n°22/01144).
Comme vous le savez, lorsqu’un CSE est consulté sur un projet, il dispose d’un délai d’examen suffisant pour analyser les documents y afférents, avant de rendre un avis définitif. Ce délai est d’un mois, voire de deux mois si l’instance a recours à une expertise.

Le délai de consultation court :

  • Soit à compter de la mise à disposition par l’employeur des informations dans la BDESE (Base de Données Economiques, Sociales et Environnementales) ;
  • Soit à compter de la communication des informations par l’employeur, souvent au cours de la première réunion d’information du CSE.

Ce rappel est nécessaire pour comprendre les circonstances de l’affaire… Venons-en aux faits !
Une entreprise dont le secteur d’activité est l’énergie verte (notamment, le développement de parcs éoliens) envisageait d’initier un projet de déménagement d’un site.

  • Le 23 septembre 2022, l’employeur ouvre, via une 1ère réunion d’information, une procédure d’information-consultation du CSE sur ce projet de déménagement. Démarre ainsi le délai de consultation mentionné ci-dessus. À ce stade, aucune information n’est délivrée sur l’aspect environnemental du projet.
  • Le 29 septembre 2022, les élus demandent, au cours de la deuxième réunion, ces informations manquantes. Face à l’absence de réponse, les élus décident de recourir à une expertise. Le délai de consultation est donc porté à deux mois, soit un rendu d’avis programmé au 23 novembre 2022.
  • Les 15 et 16 novembre, une réunion extraordinaire du CSE se tient. À cette occasion, un complément d’information (présentation d’une étude technique d’impact) est apporté sur le volet environnemental. Toujours jugé insuffisant pour l’instance représentative du personnel. La fin de la procédure consultative approche…
  • Le 21 novembre 2022, les élus décident de saisir le Tribunal Judiciaire de Nantes pour demander au juge :
  • D’ordonner la mise à disposition des informations suivantes : la « projection sur l’avenir et une évaluation concrète des conséquences environnementales du retrait du site », « l’impact environnemental des déchets et des émissions de CO2 que le transport des collaborateurs, le renouvellement des outils et les changements de locaux pourraient engendrer », « l’évaluation de l’impact du projet sur la saturation des transports publics de voyageurs », « les émissions de gaz à effet de serre générées par le déménagement »… ;
  • De proroger le délai de consultation, pour laisser un temps suffisant à l’analyse de ces nouvelles informations obtenues.

Le 22 décembre 2022, les élus ont obtenu gain de cause.
En effet, le Tribunal Judicaire de Nantes a reporté le point de départ du délai de consultation au 15 novembre, date à laquelle l’employeur a initié une démarche sérieuse d’information sur le volet environnemental. Le rendu d’avis a donc été décalé au 15 janvier 2023.

Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés sont concernées par cette décision.
Mais nous devons bien admettre qu’en fonction du secteur d’activité de l’entreprise concernée, le juge pourra se montrer plus ou moins intransigeant sur le degré d’informations environnementales à transmettre aux élus :
« Il convient d’observer à titre liminaire que l’activité exercée par la société GE WIND FRANCE en fait un acteur de la transition énergétique et que la question environnementale entre dans la culture de l’entreprise, au même titre que la musique pour un orchestre, le milieu marin pour une conserverie de poissons, ou la connaissance du corps humain pour les services de santé.

Cela implique que la communication d’informations et de documents sur les conséquences environnementales de décisions au CSE par la direction de l’entreprise devrait être une évidence, plus qu’une simple obligation légale et que la communication interne sur le sujet devrait être facilitée par les connaissances techniques particulières des salariés et dirigeants dans ce domaine ».

« La présentation initiale du projet au CSE ne comportait aucun volet impact environnemental, ce qui, s’agissant d’une entreprise spécialisée dans ce domaine, constitue une défaillance grave à son obligation d’information qu’elle devait assumer de sa propre initiative sans attendre les réclamations des élus ou de l’expert ».
Acteurs du secteur de l’énergie : vous êtes prévenus !
Tribunal Judiciaire de Nantes, 22 décembre 2022, n°22/01144.