En matière d’acquisition de congés payés, la Cour de cassation est intervenue. En effet, dans un premier arrêt du 13 septembre 2023 (pourvoir n°22-17.340), la Cour énonce que les absences pour cause de maladie non professionnelle doivent désormais être prises en compte pour la détermination du droit à congé.
La Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence communautaire : « tout travailleur, qu’il soit placé en arrêt de travail pendant la période de référence à la suite d’un accident survenu sur le lieu de travail ou ailleurs, ou à la suite d’une maladie de quelque nature ou origine qu’elle soit, ne saurait voir affecter son droit au congé annuel payé d’au moins 4 semaines (CJUE, grande ch., 24 janv. 2012, aff. C-282/10, Dominguez) ».
Dans un second arrêt du 13 septembre 2023 (pourvoi n° 22-17.638), la Cour se met également en conformité avec le droit français et le droit européen en énonçant que les absences pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle, qui dureraient plus d’un an, sont désormais prises en compte dans leur totalité pour la détermination du droit à congé. Selon l’article 7 de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 : « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations ou pratiques nationales ».
La Cour de cassation par les arrêts du 13 septembre dernier s’est mise en conformité avec le droit européen et prévoit désormais l’acquisition de congés payés durant les périodes de suspension du contrat de travail en raison de maladies non professionnelles en application de l’article 31, paragraphe 2 de la charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne. Auparavant, seules les périodes de suspension du contrat de travail d’origine professionnelle (accident du travail ou maladie professionnelle) donnaient droit à congés payés dans la limite d’un an. Désormais, le calcul des droits à congés payés ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail et l’ensemble de la période de suspension sera prise compte.
Concernant la prescription, il résulte d’une jurisprudence constante que les congés payés ayant une nature salariale, sont soumis à la prescription triennale applicable aux salaires (Cass. soc., 16 déc. 2015, nº 14-15.997).
De plus, la chambre sociale considérait de longue date que le point de départ de ce délai était fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris (Cass. soc., 14 nov. 2013, nº 12-17.409). Sur ce point, il y a eu une évolution de jurisprudence : « dès lors, et eu égard au droit de l’Union européenne, la Cour de cassation a décidé, là encore, de faire évoluer sa jurisprudence et pose le principe selon lequel il y a lieu de juger, désormais, que le point de départ de la prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congés payés. »
Dans ce contexte, le 18 octobre dernier, la Cour d’appel de Reims, a condamné un employeur à créditer le compteur de jours de congés de son salarié au titre des années 2017, 2018, 2019, dans une affaire qui concernait un salarié dont le contrat n’était pas rompu. CA Reims, 18 octobre 2023, n°22/01293
De plus, la CJUE a répondu à deux questions préjudicielles qui lui ont été soumises dans un arrêt rendu le 9 novembre 2023. La CJUE rappelle qu’il est possible de définir une limite de report des congés payés et qu’il revient au législateur d’encadrer cette limite temporelle. « Une législation nationale et/ou une pratique nationale peut permettre de faire droit à des demandes de congés annuels payés introduites moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées aux droits à congé non pris durant deux périodes de référence consécutives ». CJUE, 9 novembre 2023, C-271/22 à C-275-22
Enfin, la Cour de cassation, aux termes d’une décision rendue le 15 novembre, vient de saisir le Conseil constitutionnel de deux questions prioritaires de constitutionnalité qui ont été soulevées dans le cadre d’un contentieux qui porte notamment sur un rappel de congés payés après un arrêt pour maladie. Les questions prioritaires de constitutionnalité posent la question de la conformité des articles L. 3141-3 et L. 3141-5,5° du code du travail à la Constitution 27 octobre 1946 et au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958. Le Conseil Constitutionnel devrait se prononcer sous un mois.