Pourquoi vos congés peuvent désormais générer des heures supplémentaires …

C’est une question qui revient régulièrement dans les échanges avec nos élus abonnés MyCSE :

« Lorsqu’un salarié prend un jour de congé payé dans la semaine, peut-il quand même prétendre à des heures supplémentaires ? ».

Jusqu’ici, la réponse était simple : non.

Dès lors qu’un salarié n’effectuait pas plus de 35 heures effectives, il n’y avait pas de dépassement de la durée légale hebdomadaire, et donc pas d’heures supplémentaires à payer.

Mais, le 10 septembre 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision qui chamboule cette règle jusqu’alors bien établie…

Dans cette affaire, trois ingénieurs travaillaient selon un forfait horaire sur une base hebdomadaire de 38 h 30.

Ces salariés ont engagé une action en justice, afin d’obtenir le paiement de 3,5 heures supplémentaires par semaine, en considérant que leur convention de forfait en heures était irrégulière (ce qui entraînait comme principale conséquence que toute heure accomplie au-delà de 35 heures par semaine était une heure supplémentaire, en application de l’article L. 3121-28 du Code du travail).

Que se passait-il alors si l’un de ces salariés prenait un jour de congé payé au cours de la semaine : pouvaient-ils encore exiger le paiement d’heures supplémentaires au titre de cette semaine prise isolément ?

Dans un premier temps, la position de la Cour d’appel de Versailles, plutôt bien entérinée par les juges, était la suivante : Il ne faut compter que les heures réellement travaillées, pour savoir si le salarié dépasse la durée légale hebdomadaire de travail, fixée à 35 heures par semaine.

Ainsi, lorsqu’un salarié prenait partiellement des jours de congés payés au cours d’une même semaine, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne pouvait pas être atteint, puisque celui-ci n’avait pas travaillé plus de 35 heures de travail effectif. 

Mais revirement de jurisprudence ! La Cour de cassation ne partage pas (plus) cet avis.

Désormais, selon cette juridiction, les périodes de congés payés doivent être prises en compte, au même titre que le temps de travail effectif, pour apprécier le seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

« Il convient en conséquence d’écarter partiellement l’application des dispositions de l’article L. 3121-28 du code du travail en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un temps de travail effectif les heures prises en compte pour la détermination du seuil de déclenchement des heures supplémentaires applicable à un salarié, soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail, lorsque celui-ci, pendant la semaine considérée, a été partiellement en situation de congé payé, et de juger que ce salarié peut prétendre au paiement des majorations pour heures supplémentaires qu’il aurait perçues s’il avait travaillé durant toute la semaine ».

Un salarié peut donc générer des heures supplémentaires, si ses périodes travaillées de manière effective et ses courtes périodes de congés payés au cours d’une même semaine le conduisent à dépasser la durée légale hebdomadaire (ou durée équivalente dans l’entreprise) du travail.

La Cour de cassation se conforme à une décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 13 janv. 2022, no C-514/20, DS c./ Koch Personaldienstleistungen GmbH).

Selon la CJUE, un système de décompte du temps de travail qui exclut les congés du calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, pourrait dissuader les salariés de prendre quelques jours de repos au cours d’une semaine, car ils perdraient alors des majorations salariales.

Pour l’instant, la Chambre sociale de la Cour de cassation française limite sa décision au décompte hebdomadaire du temps de travail. Reste donc maintenant à savoir si les juges tiendront le même raisonnement à l’égard de salariés dont le temps de travail est, par exemple, annualisé, ou lorsqu’il s’agit, non pas de poser des jours de congés payés, mais des jours de RTT.

Toujours est-t-il que cette décision de justice doit conduire nos entreprises à reparamétrer, le cas échéant, les outils de paie et de gestion du temps, afin que la prise d’un jour de congé payé soit pleinement compté dans le temps de travail « effectif », pour engendrer d’éventuels paiements de majorations pour heures supplémentaires si le seuil de déclenchement est atteint.

Pour terminer, nous souhaitons attirer l’attention de nos représentants du personnel sur un risque de développement de « mauvaises pratiques RH », dans une volonté de neutraliser cette décision de justice : En France, et à l’inverse de l’Allemagne, les modalités de prise des jours de congés payés relèvent du pouvoir de direction de l’employeur, sous réserve de respecter certaines conditions (notamment délai d’information à respecter auprès des salariés quant aux périodes de prise des jours de CP).  

Aussi, certains services RH pourraient être incités à demander aux salariés de poser, lorsque leur « compteur » le permet, des semaines complètes de congés payés et de privilégier, le cas échéant, la pose de jours de RTT lorsqu’il s’agit d’absences de courte durée.

Chambre sociale de la Cour de cassation, 10 septembre 2025, n° pourvoi 23-14.455.