Tout salarié confronté à l’occasion de la réalisation de sa prestation de travail à une situation dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, peut exercer son droit de retrait.
Exercer son droit de retrait consiste à se retirer temporairement de sa situation de travail, jusqu’à ce que l’état de danger ait pris fin. Il convient d’alerter l’employeur sur le sujet afin qu’il puisse prendre, conformément à son obligation de santé et de sécurité, toutes les mesures nécessaires pour faire cesser la situation dangereuse.
L’employeur ne peut demander au salarié de reprendre son activité dès lors que la situation de danger persiste. Pendant la période de retrait, aucune retenue de salaire ne peut avoir lieu, dès lors que le salarié avait un motif raisonnable de penser que la situation à laquelle il était exposé présentait un danger grave et imminent pour sa vie.
Il faut entendre par danger grave, la situation de fait en mesure de provoquer un dommage à l’intégrité physique du travailleur. A cet égard :
- Est grave ce qui est susceptible de conséquences fâcheuses, de suites sérieuses, dangereuses telles qu’une invalidité ou le décès ;
- Est imminent le danger qui induit l’éventualité de la survenance d’un événement, dans un avenir très proche.
L’exercice de ce droit de retrait implique l’existence d’une situation exceptionnelle nécessitant une réponse urgente. Si la dangerosité de la situation n’excède pas les conditions habituelles de travail, le retrait n’est pas valable.
Toutefois, une part de subjectivité dans l’appréciation de l’imminence et de la gravité du danger par le salarié est laissée. Ainsi, une erreur d’appréciation n’est pas nécessairement fautive. L’erreur n’est pas sanctionnable s’il est admis que le salarié avait un motif raisonnable de penser que cette situation présentait un danger (CA Nancy, 5 mai 1997, n°96/155).
C’est aux juges qu’il appartiendra en cas de désaccord de définir le bien-fondé de l’appréciation du « motif raisonnable de penser », et non à l’employeur (Cass. soc., 11 décembre 1986, n°84-42.209). S’il s’avère que le salarié n’avait pas de motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait pour lui un danger grave et imminent, il commet un abus de droit.
Lorsqu’un tel abus a lieu, le salarié s’expose à une retenue sur salaire avant même qu’un juge ne se prononce sur la situation (Cass. soc., 22 mai 2024, n°22-19.849). Il peut également faire l’objet d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.
Il convient alors d’exercer son droit de retrait avec prudence, sans pour autant prendre le risque de mettre sa santé en péril. L’équilibre peut sembler difficile à percevoir…
Peut-on exercer son droit de retrait par anticipation ?
Dans une affaire récente, la Cour de cassation s’est prononcée sur une situation de retrait à effet différé.
A l’issue d’un arrêt maladie de plusieurs mois et quelques jours avant de partir en congés du 24 au 31 décembre 2018, le salarié avait déclaré faire usage de son droit de retrait à compter du 2 janvier 2019, jour de reprise du travail compte tenu de l’absence de visite de reprise, de l’augmentation soudaine de ses objectifs et de la prolongation d’une situation de harcèlement moral.
Il est licencié pour faute grave au motif d’une absence injustifiée, ce qu’il conteste par un recours en justice. La cour d’appel rejette sa demande, retenant l’absence d’imminence du danger dans la mesure où le salarié ne saurait se prévaloir d’un droit de retrait à venir, prenant effet de façon différé.
La Cour de cassation casse ce jugement, considérant qu’il est impossible de déclarer le droit de retrait illégitime sans même rechercher si le salarié avait ou non un motif raisonnable de penser que la situation de travail présenterait, le 2 janvier 2019, un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé.
Autrement dit, ce qui compte pour l’appréciation de la validité de l’exercice du droit de retrait est le ressenti du salarié au moment de sa décision. Le juge ne peut pas d’office écarter le caractère légitime au motif que le salarié l’a exercé de manière anticipée.
Cour de cassation, chambre sociale, 11 juin 2025, n°23-23.291
